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Fiches de lectures de quelques ouvrages traitant du sujet
Sujet voisin (le fétichisme)
Cet ouvrage a fait l'objet d'une présentation sur TPS Star le 05 février 2010. L'auteur a fait une brève apparition dans l'émission "En attendant Minuit" (toujours sur TPS Star) qui a été diffusée 19 mars 2010.
Ce livre parle du masochisme sexuel, pas de "pathologie" masochiste, mais du phénomène masochiste. Encore qu'il serait plus juste de dire des masochismes, car il n'y a pas Le masochisme, sorti d'on ne sait où, mais des masochismes. Le masochisme n'existe pas en lui-même ; il existe des formes différentes de masochismes : le masochiste qui effectue le service de table en tenue de soubrette n'appréciera peut-être pas d'être un esclave couvert de chaînes qui reçoit le fouet suspendu à une croix de Saint-André. Tout un monde les sépare : le devenir-femme du premier et le devenir-animal du second.
-Désir de devenir femme dans le registre de l'humanité et de s'inscrire dans la chaîne de Portation du Vivant pour la soubrette ;
-Désir de communier à son animalité, en devenant d'abord un esclave, transition naturelle entre l'homme et la bête pour le second.
Le fantasme érotique sera le développement du Complexe Matriciel du masochiste : qu'est-ce que la Femme, comment l'a-t-il perçue ? Est-elle la Reine pondeuse ovipare ou la Déesse vivipare qui se déchire en se dupliquant ?
Comment à partir de ces phantasmes primitifs vont se développer les désirs et les jeux masochistes où les joueurs porteront un corset victorien, un plug anal, une cage de chasteté... ? La palette des jeux est immense, infinie : être enfermé dans une seconde peau en latex, se faire piètiner le corps en passant par la pose de pinces à seins, le répertoire des jeux est aussi riche que varié...
C'est en étudiant les jeux masochistes et en écoutant le récit des masochistes ludiques qu'il a été possible non pas d'apporter une réponse au phénomène, mais de poser de nouvelles questions, qui bien souvent rendent caduques les théories et les certitudes dogmatiques qui existent sur le sujet. On découvrira qu'il n'y a pas un type de masochistes mais au moins trois : le Compulsionnel, le Déviant et le Pervers. Il n'y a pas un type de masochisme mais au moins deux, le masochisme de situation et le masochisme d'objet.Ce travail est bien sûr incomplet. Je ne traite pas dans cet essai sur le masochisme du phénomène de la douleur ; je l’ai volontairement laissé de côté, je n’avais pour cela ni la connaissance de sa physiologie ni les moyens matériels pour l’étudier. Dans une vision globale, la douleur, quoiqu’importante, se situe souvent à la périphérie et non au centre du masochisme, elle n’en est qu’un élément, même si dans certaines formes elle en est l’essentiel.
Laissant de côté la physiologie, je n’ai pas cherché non plus à savoir si les neurosciences ont un élément de réponse au masochisme. Si elles peuvent apporter une explication au processus de la douleur, il serait étonnant qu’elles puissent répondre au « pourquoi » du masochisme. Il ne serait par contre pas surprenant que l’on nous annonce dans quelque temps que le « gène » du masochisme a été isolé. Bien souvent, les masochistes ont eu un parent masochiste, mais cela n’est pas confirmé par une étude de masse. On peut d’ailleurs se demander si cela pourra l’être un jour et encore faudrait-il savoir de quel masochisme il s’agit et s’entendre sur une définition un peu plus sérieuse que celle qu’en donne aujourd’hui la CIM ou le DSM IV.(1) Comme il sera vu, le masochisme ne correspond pas forcément à un comportement stéréotypé, il est polymorphe.
(1) CIM : Classification Internationale des maladies. DSM : Diagnostic and Statistical Manual of Mentals DiscordersJe ne traite pas séparément le masochisme de la femme et celui de l’homme. Même si les exemples et les témoignages illustrant mes propos sont majoritairement masculins, le masochisme doit être considéré comme un phénomène féminin au sens ou Freud entendait masochisme féminin. Il est évident que le masochisme de l’homme est souvent plus voyant que celui de la femme qui, jusqu’à présent, dans nos sociétés, pouvait vivre son masochisme sans trop attirer l’attention. La « culture » la formant, l’invitant même à accepter son masochisme. La femme, dans la majorité des cas, si elle voulait atteindre un semblant de bonheur, avait tout intérêt à développer son masochisme. Ce qui ne signifie pas que toutes les femmes étaient ou soient biologiquement des masochistes avérées. Chacun de nous, homme ou femme, possède sa quantité de masochisme féminin, acquise ou inscrite en soi. Mais entre le noir et le blanc il existe toute une palette de gris...
Extraits de l'avant-propos...
"Le masochisme est un sujet qui a fait couler plus d'encre que de sang et pourtant les tentatives d'écriture à son sujet sont peu nombreuses. À de rares exceptions près, ce compagnon de route du genre humain n'a pas l'air d'intéresser les philosophes ou d'être un sujet de réelle curiosité. Il faut dire qu'avant que les psychiatres ne braquent sur lui les feux de l'anomalie, il cheminait tranquillement avec l'humanité sous forme de rites initiatiques, de pratiques sociales ou religieuses ou plus simplement dans sa forme sexuelle. Car aussi loin que l'on remonte dans le temps, il semble que le masochisme fut toujours un partenaire de l'espèce humaine. L'humanité et le masochisme "chevauchent" côte à côte, depuis la nuit des temps. Des ex-voto sous forme d'éperons, de cravaches ou de mors ont été retrouvés dans les temples dédiés à Vénus Aphrodite. Du lieu sacré au cabinet du psychiatre, en passant par le bordel, le masochisme est là, compagnon fidèle de l'humanité..."
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Avant-propos 13
Introduction 15
Les usages
Sadisme et masochisme
La science
Chapitre 1
Les théories de la psychanalyse 27
Les thèses de Freud :
-La théorie des pulsions
-La pulsion de mort
Sacha Nacht et Wilhelm Reich
Le caractère masochiste
Théodore Reik ou le non-dit théorique
Edmund Bergler
Trois concepts
Les contemporains
La réaction thérapeutique négative
Le DSM
La morale comme base théorique
L’approche lacanienne :
-Le déni et la forclusion
-Le Phallus
-Les objets
Récapitulatif
Chapitre 2
Eléments pour un complexe matriciel 65
Le ventre du monde
Un complexe matriciel
Les fondements mythologiques
Le calendrier biologique
Georg Groddeck, la matrice et la poitrine
Chapitre 3
La théorie des masochismes 85
Le masochiste compulsionnel
Le masochiste déviant
Le masochiste pervers
Le masochisme de situation
Le masochisme d’objetChapitre 4
Les jeux masochistes 107
Les jeux de bondage
Le jeu de l’araignée
Biens : meubles et immeubles
Carpettes et tapisseries
Prises de vues
Les quatre objets
A quatre pattes, ensemble mais différents
La mise en croix
Le travestissement dans les jeux masochistes
La Maman et la soubrette
Le travesti se ment ?
Une apparence trompeuse : le dépôt
Une apparence trompeuse (suite) : la Reine
Le lavement
La Maman et la putain
De l’évolution des espèces
Chapitre 5
Deux exemples de masochisme d’objet 143Premier récit : un masochisme œdipien
Deuxième récit : un masochisme matriciel
La différence de sens dans les deux récits :
-Présentation
-La prise en main
-Le travail ménager
-L’argent
-L’accord tacite
-La castration et l’effacement
-Les tiers
-La correction
ConclusionChapitre 6
Gilles Deleuze ou l’approche philosophique 169Les trois femmes
Le contrat masochiste
Le sens du contrat
L’institution
G. Deleuze, un freudien ?
Les raisons
Chapitre 7
Masociologie 189Catholicisme et Réforme
La société civile
La société moderne :
-Les sports
-La culture
-Les nouveaux médias
Du bordel au donjon : la culpabilité
Un devenir incertain
Index alphabétique des auteurs cités 221
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Index alphabétique des auteurs cités
Auteur inconnu, Pratique du sacrement de pénitence, Michel Boyer, Imprimeur du Roy, 1600.
Bergler Edmund, La névrose de base, Payot.
Bettelheim Bruno, Les blessures symboliques, Gallimard.
Chevalier Jean et A.Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, R. Laffont.
Clavreul Jean :
-Le couple pervers, in Le désir et la perversion, Seuil.
-L’ordre médical, Seuil.
Crapouillot (le), hors série n°6, Petite Histoire des Maisons Closes.
Dayan Maurice, L'autre cruel in L'énigme du masochisme, PUF.
De M'Uzan Michel, Le masochisme pervers et la question de la quantité,
in L'énigme du masochisme, PUF.
De Saintebeuve Jacques, Résolutions de plusieurs cas de conscience touchant la morale et la discipline de l'Église,
Paris 1700.
Deleuze Gilles, Présentation de Sacher Masoch, Minuit.
Deleuze Gilles et Félix Guattari :
-L'Anti-Œdipe. Minuit.
-Mille plateaux. Minuit.
Eiguer Alberto, Des perversions morales aux perversions sexuelles, Odile Jacob.
Cousin Philippe, (sous la direction de) Encyclopédie du sado-masochisme, La Musardine.
Foucault Michel :
-Histoire de la sexualité, Gallimard.
-Histoire de la folie à l'âge classique, Gallimard.
Foucault Annick, Françoise Maîtresse, Gallimard.
Fouque Antoinette, Il y a 2 sexes, Gallimard.
Freud Sigmund :
-Trois essais sur la théorie de la sexualité, Gallimard.
-Métapsychologie, Gallimard.
-Névrose, psychose et perversion, PUF.
-Abrégé de psychanalyse, Gallimard.
-La vie sexuelle, PUF.
-Totem et tabou, Payot.
-Essais de psychanalyse, Payot.
-Cinq psychanalyses, PUF.
Gianini Belotti Elena, Du côté des petites filles, Des femmes.
Groddeck Georg, Le livre du Ça, Gallimard.
Haddad Gérard, Le jour où Lacan m'a adopté, Fayard.
Hart Lynda, La performance sadomasochiste, Epel.
Irigaray Luce, Spéculum de l'autre femme, Minuit.
Jung Carl-Gustav, L'homme à la découverte de son âme, Payot.
Krafft-Ebing, Psychopathia sexualis, Payot.
Lacan Jacques :
-La signification du phallus in Écrits, Seuil.
-Position de l'Inconscient, in Écrits, Seuil.
-Subversion du sujet et dialectique du désir, in Écrits, Seuil.
-Le séminaire, Livre I, Les écrits techniques de Freud, Seuil.
-Le séminaire, Livre II, Le Moi dans la théorie de Freud, Seuil
-Le séminaire, Livre IV, La relation d'objet, Seuil.
-Le séminaire, Livre V, Les formations de l'inconscient, Seuil.
-Le séminaire, Livre XI, Les quatre concepts... Seuil.
-Le séminaire, Livre XX, Encore, Seuil.
Lambotte Marie-Claude, Figure mélancolique du masochisme in
l'énigme du masochisme, PUF.
Laplanche Jean et J-B Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF.
Larue Anne, Le masochisme, Talus d'approche.
Lebrun François, Se soigner autrefois, Point.
Masoch Sacher, La Vénus aux fourrures, Sediep.
Mayeur Françoise, L'éducation des filles en France au XIXe siècle, Hachette.
Mogniat Michel, L’idéologie freudienne, Édilivre.
Nacht Sacha, Le masochisme, Payot.
Phillips Anita, Défense du masochisme, Odile Jacob.
Porge Éric, Jacques Lacan, un psychanalyste, Éres.
Rank Otto, Le traumatisme de la naissance, Payot.
Reich Wilhelm, L'analyse caractérielle, Payot.
Reik Théodor, Le masochisme, Payot.
Rosenberg Benno, Masochisme mortifère et masochisme gardien de la vie, PUF.
Roudinesco Élisabeth et Michel Plon, Dictionnaire de la psychanalyse, Fayard.
Roustang François, Elle ne le lâche plus, Minuit.
Saint-Laurent Cécil, Histoire imprévue des dessous féminins, Herscher.
Serguine Jacques, Éloge de la fessée, Gallimard.
Topique 2001/2 N° 75 p.45-60. « Théodor Reik et le rituel »
Weber Max, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Gallimard.
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Vous trouverez ici des analyses d'ouvrages sur le masochisme parus en librairie après "Le masochisme sexuel" (2009) *
Économie du masochisme (2016)
La Revue Internationale de La Clinique Lacanienne aux éditions Érès s’aventure à une étude sur le masochisme. Il y a dans cette revue dix articles consacrés au sujet, puis des critiques de livres et autres articles, notamment un écrit sous forme de regard croisé entre Lacan et Foucault du type :
Qui doit quoi à l’autre ?
Ce qu’il y a de bien avec les psychanalystes c’est qu’ils ne s’éloignent jamais du dogme, parlent toujours avec une autorité ex-cathedra et sont persuadés que leur parole est infaillible.
Quand un ipéiste (analyste de l’IPA : Association Internationale de Psychanalyse, les freudiens purs et durs) écrit sur le sujet, on sait à quoi s’attendre. De la part de gens qui se réclament « lacaniens » on aurait pu s’attendre à mieux, à moins de sectarisme, à plus d’ouverture. On se dit « quand même, ils ont eu Lacan, le sujet est élargi ! » eh bien non ! Ici, ils réussissent à additionner le manque théorique freudien à une construction dogmatique Lacanienne qu’ils inventent !
Ça commence fort avec un article intitulé Pour une métapsychologie des masochismes. Nous sommes ravis d’apprendre sous la plume de l’auteur (Gérard Pommier) que :
« Rien ne nous échappe du masochisme détaillé depuis une abondante littérature, aussi bien romanesque que clinique » p.17
Pour ce qui est du romanesque, je veux bien. On peut même y rajouter des témoignages, des films et de nombreux sites Internet, les matériaux ne manquent pas. Mais pour ce qui est de l’abondante littérature clinique, beaucoup de livres ont dû m’échapper. De toute la littérature que j’ai lue sur le sujet, je n’ai aperçu que quelques vignettes cliniques, en général courtes et incomplètes. Il doit certainement exister une littérature off, à laquelle le commun des mortels n’a pas accès.
Quelques lignes plus loin, l’auteur nous surprend quand même un petit peu en écrivant :
« Or les animaux n’ont pas de pratiques masochistes, ils ne se suicident pas. »p20
Ce n’est pas ce qu’a observé un certain Sacha Nacht, un des premiers psychanalystes à écrire sur le sujet :
« On observe chez les animaux également que la douleur paraît exciter les fonction sexuelles. Certains étalons notamment ne peuvent monter la jument que fouettés (Cornavion, Archives d’Anthropologie). Les tritons se livrent, paraît-il, à une véritable flagellation avec leur queue avant la copulation. »
(S. Nacht, Le masochisme, éd. Payot page 37)
Il semblerait que, pour les prédécesseurs de notre analyste, des observations de pratiques masochistes ont été faites sur certaines espèces. C’est ennuyeux. Notre auteur continue son œuvre métapsychologique sur le sujet :
« Or, les animaux ne manifestent rien de semblable à la pulsion de mort. Aucun animal ne se suicide. Seul l’être parlant est affecté de cette pulsion de mort ». p.21
S’il y a un concept difficile à définir en psychanalyse c’est bien celui de pulsion, voyons ce qu’en disait Freud en son temps, la définition semble toujours valable :
"Si, en nous plaçant d'un point de vue biologique, nous considérons maintenant la vie psychique, le concept de "pulsion" nous apparaît comme un concept-limite entre le psychique et le somatique, comme le représentant psychique des excitations, issues de l'intérieur du corps et parvenant au psychisme, comme une mesure de l'exigence de travail qui est imposé au psychique en conséquence de sa liaison au corporel."
(S. Freud, Pulsions et destins des pulsions, in Métapsychologie, éd. Gallimard).
Si la pulsion se situe entre le psychique et le somatique pourquoi en priver les animaux ? Certes on peut noyer le poisson dans la linguistiquerie et noter que Trieb n’est pas tout à fait la traduction exacte de pulsion, mais c’est tout de même celle le plus souvent admise. Si le concept de pulsion est limite entre le psychique et le somatique, selon Freud, que vient faire le langage là-dedans ? À moins que le langage soit la condition du psychique, ce qui signifierait que les animaux n’ont pas de psychisme. Ce qui serait tout de même étonnant, mais tant de choses nous échappent...
Allons plus loin encore, pour Freud, plus tardivement il y a deux types de pulsions ou d’instincts chez le vivant : celles d’Éros et celles de Thanatos.
Notons aussi qu’il est très hasardeux et hardi d’affirmer que le suicide est inconnu aux animaux : le cas de chiens refusant de s’alimenter après la disparition du maître est assez connu. Certains réussissent même à en mourir. Certes, personne n’a encore vu un labrador se tirer une balle dans la tempe avec un révolver. Le suicide des animaux, s’il existe, est certainement moins spectaculaire que celui des humains. Le cas des fourmis se sacrifiant dans le « ruisseau » à franchir afin de faire un pont de leur corps aux suivantes est assez connu. Ce n’est pas un suicide à proprement parler, mais tout de même, la prudence devrait rester de mise. Mais la prudence n’est pas le fort de l’auteur, parlant de la masturbation des enfants :
« ...c’est une tentative de fuite coupable, honteuse, et les enfants se cachent spontanément de se masturber. »p.25
C’est assez amusant de savoir que lorsque Freud parla de cette masturbation infantile, ses adversaires répliquèrent que ce n’était pas là un scoop et que nombre de nourrices et de travailleuses dans les jardins d’enfants le savaient depuis longtemps pour l’avoir observé. Il est assez facile d’observer les enfants qui se masturbent, certains le font souvent sans se cacher et en toute innocence. Certes ce n'est pas une activité qu'ils pratiquent en général au grand jour, ils s'isolent, ce n'est pas pareil. À moins que comme nous l’indique l’auteur, les enfants ressentent cela comme une activité honteuse car ils s’en sentent coupables. Peut-être parce qu’ils ont goûté au fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, nous dirait Gérard Pommier.
Dans un article de Hélène Godefroy et intitulé Genèse du masochisme, on peut lire page 33, que :
« Mécaniquement, le processus permettant d’aboutir à ce mode de satisfaction est le renversement de la pulsion sadique –qui, elle, est première ; sachant que celle-ci doit le déploiement de son emprise sur l’objet lors de son passage organisateur du stade anal.»
Mécaniquement, c’est faux. Cette théorie du retournement du sadisme en masochisme est développée dans « Un enfant est battu » écrit en 1919. Mais quelques années après, en 1924, Freud écrivit « Le problème économique du masochisme » dans lequel la théorie a quelque peu changé. L’article « Un enfant est battu » a pour origine un fantasme d’Anna Freud, la fille de Freud, à laquelle Freud fit faire une analyse avec lui. Cette théorie du retournement du sadisme en masochisme présuppose que le sadisme soit antérieur au masochisme. Or, ce n’est pas la vision qu’en a Freud dans sa description de la pulsion de mort qui vise à la plus petite entité possible, au retour à l’état inorganique. De plus :
« La libido a pour tâche de rendre inoffensive cette pulsion destructrice et elle s'en acquitte en dérivant cette pulsion en grande partie vers l'extérieur, bientôt avec l'aide d'un système organique particulier, la musculature, et en la dirigeant contre les objets du monde extérieur. Elle se nommerait alors pulsion de destruction, pulsion d'emprise, volonté de puissance.Une partie de cette pulsion est placée directement au service de la fonction sexuelle où elle a un rôle important. C'est là le sadisme proprement dit. Une autre partie ne participe pas à ce déplacement vers l'extérieur, elle demeure dans l'organisme et là elle se trouve liée libidinalement à l'aide de la coexcitation sexuelle dont nous avons parlé ; c'est en elle que nous devons reconnaître le masochisme originaire, érogène. »
(S. Freud, Le problème économique du masochisme, in Névrose, psychose et perversion, éd. PUF.)
Cet énoncé pose, sans la formuler réellement une question importante : si la pulsion de mort se manifeste en se projetant à l'extérieur avec l'aide de l'appareil musculaire, quid de cette même pulsion avant la maîtrise de la musculature ? Quel est son « destin » puisque Freud nous apprend que les pulsions ont un objet et un destin ? Il tombe sous le sens que la totalité de la pulsion de mort est investie en premier temps dans le sujet, tant qu'il y a impossibilité mécanique de projection à l'extérieur.
(Michel Mogniat, Le masochisme sexuel, éd. L’Harmattan, 2009)
Et donc on ne peut écrire, dans une optique freudienne du masochisme, que l’énoncé suivant :-Le masochisme et le sadisme ont la même origine pulsionnelle, la pulsion de mort, mais le sadisme ne pouvant temporairement projeter cette pulsion à l’extérieur du corps, la pulsion dans un premier temps envahit le corps entier avant sa projection à l’extérieur et donc le masochisme est premier et antérieur au sadisme.
En continuant la lecture on note également quelques détails amusants :
« De ce nouveau rapport à l’Autre , un retrait s’amorce du champ maternel, dont l’enfant était jusque là dépendant. » p. 33
Voilà que l’Autre avec un grand A est ici la mère. Pourtant Lacan nous a bien dit que l’Autre n’est pas la mère ! Mais on ne peut ici qu’être d’accord avec l’auteur et conjuguer le bon mot de J-D. Nasio qui inventa le concept de Lacanmien, pour illustrer que chacun prenait dans Lacan ce qu’il en comprenait et interprétait à sa façon !« C’est même pourquoi elle se fait signifiant de ce que, non seulement le grand Autre n’est pas là, ce n’est pas elle, mais qu’il est tout à fait ailleurs, au lieu où se situe la parole. » (Le Séminaire Livre XIX p.206)
Bienheureux ceux qui savent, ont su ou sauront un jour ce qu’est véritablement l’Autre ! Tantôt Dieu, tantôt maman, tantôt mystère du langage ! Là, il y a quand même un petit problème, parce que si l’Autre est censé donner l’objet petit a au sujet, si l’objet oral est demande à l’Autre et l’objet anal demande de l’Autre, et ainsi de suite, on peut se demander, pour parler simplement, si c’est Dieu qui demande au bébé de faire caca sur le pot ou si c’est maman ! Mais Lacan nous le dit bien au début du paragraphe : "La femme s’inscrit du signifiant de l’Autre barré" Elle n’est donc pas l’Autre, elle est le signifiant barré de cet Autre. Si le grand Autre est là où se situe la parole, c’est bien de Dieu qu’il s’agit, car au commencement était la parole ou le verbe ou ce que l’on veut concernant le langage. Il n’en demeure pas moins que, généralement les enfants parlent une langue maternelle, apprise la plupart du temps, par le signifiant barré du lieu de l’Autre ! Et donc la femme, la mère, a tout de même un petit quelque chose à voir avec l’Autre ! »
Deux Séminaires
À la page suivante, on revient dévotement à l’Œdipe inversé, mis en valeur chez le masochiste par Nacht en 1938, l’Œdipe inversé est la clé passe-partout du manque théorique :
« Sur le modèle de son rapport antérieur à la mère, l’enfant se fantasme à présent objet d’amour du père et, donc, au regard de ce séducteur potentiel, il se fait lui-même partie prenante de cette situation imaginaire. » p.34
À l’article suivant, appelé Une morale du renoncement, écrit par Pierre Marie, l’auteur vole au secours de l’article précédent :
« ...il n’y a de sujet à venir que si le nouveau-né se prête à répondre à la demande de l’Autre maternel dont il ne pourra échapper qu’à se plier à la demande de l’Autre paternel puis sociétal. » p.41
L’Autre étant tour à tour maternel, paternel puis sociétal. Chacun prend sa matière chez Lacan et sculpte les concepts selon son inspiration.
L’exposé suivant s’intitule : Le crime, le masochisme. Il est écrit par Celya Herbin et présente deux ou trois vignettes cliniques, dont un pédophile, dont on se demande bien ce qu’il vient faire là... p.69
Le seul article de psychanalyste qui reste lisible et assez enrichissant est celui de Simone Weiner, il s’intitule : Le masochisme, une pratique d’analyste ? Il s’étend de la page 85 à la page 98. Il est un bon résumé du phénomène, l’auteur se réfère au Séminaire L’éthique de la psychanalyse, dans lequel Lacan s’aventure sur le terrain du masochisme.
Paul-Laurent Assoun, dans son article La passion du joug ou la servitude contractualisée, joue sur la notion de joug, faisant remarquer que dans conjugal figure le joug :
« «Le joug du mariage» désigne dans la langue courante l’obligation morale ou sociale –d’où soit dit en passant l’extraordinaire mutation verbale qui en vient à parler de «droit au mariage» ! » p.101
Son écrit est intéressant, mais P-L Assoun réussit à écrire un long article sur le contrat masochiste sans citer Gilles Deleuze une seule fois mais en se citant lui-même ! Bien que Deleuze se soit trompé en faisant du contrat la condition indispensable du masochisme, il paraît difficile de parler du contrat masochiste en faisant fi de son travail.
Enfin pour clore cette série d’écrits sur le masochisme on retiendra le très bel article de Julie Mazalaigue-Labaste : Le dispositif masochiste. Chose curieuse et qui n’est pas surprenante, l’auteur n’est pas psychanalyste, mais historienne et philosophe. Rien qu’à lui seul l’article vaut le détour. Naturellement les philosophes ayant abordé le sujet, les références hors cadre et littérature psychanalytiques sont nombreuses. On ne peut pas vraiment dire que Julie Mazalaigue-Labaste pose un regard neuf sur le sujet, mais elle effectue un bon tour d’horizon qui ne limite pas ses points de vue aux années d’avant guerre, là où en sont, hélas, restés les psychanalystes.
Avec Maître Jojo et avec Maître Pierre entre psycho on passe le temps...
Pour deux ou trois articles lisibles, ça fait tout de même cher la revue (26,50 €)
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Cinquante nuances de Grey
(Roman)
C’est une critique très nuancée que mérite Cinquante nuances de Grey, de El James, éd. JC Lattès. (en poche) L’écriture ou la traduction sont quelconques, nous ne sommes pas dans la littérature de haut vol. Le livre a très bien marché, il est le début d’une trilogie dont les média ont beaucoup parlé. L’histoire racontée, elle, est tout à fait improbable tout en étant très banale.
Une jeune étudiante américaine, vierge comme il se doit, rencontre un « dominant » il est jeune, beau comme un Adonis et baise comme un Dieu ! Qui plus est, il est riche comme Crésus ou Bill Gates, il possède un jet privé et pilote lui-même son hélico. De quoi alimenter les fantasmes des jeunes étudiantes américaines et les ménagères de plus de cinquante ans.
La relation sadomaso promise au début de l’ouvrage se fait attendre et faute de coups de fouet le lecteur a droit à des coups de queue ! Les scènes de coït remplissent le bouquin, du dépucelage de l’héroïne aux recettes éculées d’érotisme vieillot, les parties de jambes en l’air sont de l’ordre du linaire quantitatif et le lecteur gourmand aura droit, en tout et pour tout, à une pseudo fessée et aux six coups de canne anglaise au bout des 660 pages de l’ouvrage, coups de canne qui mettront fin à cette relation jamais commencée en réalité.
Mais l’intérêt de l’ouvrage ne se situe ni dans les descriptions « érotiques » ni dans l’improbabilité du scénario. C’est la structure qui mérite que l’on prête attention au livre et le rend intéressant. La puissance financière et les talents du dominant (pianiste, amateur d’art, connaissance du monde et des usages) sont bien le portrait phantasmatique omnipotent et omniscient que se construit le masochiste de son dominant. Le dominant (Grey) propose un contrat à celle qu’il pense pouvoir soumettre, ce contrat est sans cesse remis en cause, discuté par mail ou lors de rencontres. Et, c’est là que se trouve tout l’intérêt de l’ouvrage, on constate tout au long de la lecture que le sadisme inconscient de la soumise détruit la relation, en vérité très soft, qui devait s’instaurer entre eux. C’est à un véritable harcèlement que se livre Anastasia qui veut anesthésier Grey en le faisant devenir « normal ». Il lui fait naturellement la seule réponse possible : « Je suis comme ça depuis toujours, parce que c’est moi ! » Certes ça manque de finesse théorique, mais c’est la seule réponse vraie que peut faire un sadomasochiste à une normopathe. À lire un jour nuancé de nuages gris.
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La perversion sadomasochiste
Par Franco De Masi
L’ouvrage porte en sous-titre « L’entité et les théories » éditions Ithaque. L’auteur commence par nous dire qu’il y a une faille théorique dans la conception psychanalytique sur le sujet. On ne peut qu’être d’accord avec lui. On s’attend donc à de nouvelles vues.
Hélas, c’est la sempiternelle doxa freudienne qui nous est une fois de plus resservie. S’y ajoutent deux ou trois distorsions spectaculaires qui invitent à se demander si l’auteur a bien compris Freud. De Masi tire une étrange conclusion de la lecture du « Problème économique du masochisme », écrit par Freud en 1924 :« Le masochisme serait une transformation et un retournement contre soi de l’impulsion destructrice. » P.81
Freud pensait effectivement cela en 1919, mais plus en 1924. Revoyons ce qu’il écrit de la pulsion de mort, laquelle selon lui, participe à un masochisme originaire :
« [...]Une partie de cette pulsion est placée directement au service de la fonction sexuelle où elle a un rôle important. C'est là le sadisme proprement dit. Une autre partie ne participe pas à ce déplacement vers l'extérieur, elle demeure dans l'organisme et là elle se trouve liée libidinalement à l'aide de la coexcitation sexuelle dont nous avons parlé ; c'est en elle que nous devons reconnaître le masochisme originaire, érogène. »
Non seulement Freud parle bien d’un masochisme originaire, mais pour lui, le sadisme a toujours été intrinsèquement lié à la libido, pas pour De Masi :
« Les deux composants, l’élément sadique et l’élément libidino-amoureux, sont séparés... »P.152
Outre qu’on ne comprend pas par quelle magie le sadisme ne serait plus inclus dans la libido, afin d’avoir une libido « politiquement correcte », on se demande bien ce qu’est l’élément « libidino-amoureux ». Car c’est en biologiste dynamique que De Masi parle du sadomasochisme tout au long de son ouvrage. Mais il est difficile de traiter du sujet en se cantonnant à une « biologie » freudienne et à celle de ses successeurs orthodoxes. C’est la raison pour laquelle l’auteur nous entraine dans un charabia moderne comme les Diafoirus de Molière s’abritaient derrière le latin :
« Le clivage total entre la sexualité et l’amour (?) empêche toute alternative pour le sujet pervers : son excitation dérive du plaisir de la pénétration transgressive et de la subversion, et non du désir de fusion. » P. 144
Mais, et c’est cela qui semble le plus important, l’auteur titre bien son ouvrage « La perversion sadomasochiste » la dimension pathologique du phénomène est pour lui évidente. Le sadomasochisme et la perversion de manière plus générale sont assimilés à la toxicomanie. L’auteur fait la comparaison plus d’une dizaine de fois. S’inspirant non pas du DSM IV mais de la CIM, (cf. le chapitre 1 de mon ouvrage) l’auteur ne distingue absolument pas le sadisme du masochisme, pour lui, sadisme et masochisme sont une seule et même chose :
« Celui qui aime commettre des cruautés aime en même temps les subir. » P.63
« Alors que, dans le sadomasochisme les positions peuvent être continuellement inversées... » P.30
Une courte promenade dans le milieu BDSM et les écrits de ces derniers lui auraient été forts utiles pour traiter du sujet. Certes il existe des « switch » passant d’un rôle de dominant à celui de dominé, mais tous ne le sont pas, et il n’existe aucune statistique sur le sujet. La lecture de Freud et la quantité infinitésimale de pervers en analyse ne suffisent pas à avoir une opinion claire, si cela est possible, sur le sujet. On se demande même si la méconnaissance n’est pas totale quand on lit ce qui suit :« Il est important pour le sadique de penser que la douleur et la soumission suscitent le plaisir et que le partenaire jouit de celle qui lui est infligée. » P. 43
Or, tous les masochistes un peu avertis fuient les sadiques comme la peste. Les masochistes recherchent un masochiste dominant avec lequel il y aura un échange sur la jouissance, alors que le sadique se moque de la jouissance de sa victime :
« Par contre le masochiste dominant recherchera cette jouissance du partenaire pour la maîtriser, ne serait-ce que pour en priver celui qu'il domine et dirige. [...] Le masochiste dominant joue sur le registre de la jouissance de l'autre, de son émotion, il entend en avoir une maîtrise constante, en contrôler tous les paliers, en posséder le contrôle total. Le masochisme est une communication, le sadisme une expression. » (Le masochisme sexuel)
À la page 147, ce sont « Les nouvelles théorisations » qui sont passées en revue. Ces nouveautés sur le sadomasochisme sont uniquement les nouveautés orthodoxes, de la même caste que l’auteur. On a véritablement l’impression de se promener dans une secte où les membres se citent entres eux, en circuit fermé. Comme si aucune autre école, aucune autre orientation psychanalytique n’avaient jamais existé. Un véritable déni de ce qui a pu être fait ailleurs que dans la maison « mère », toujours pourvue du Phallus de la Vérité.« Le regard comme moyen de capturer et d’incorporer l’autre, le fait d’être regardé ou de blesser le regard dans l’exhibitionnisme, le fait d’être excité à la vue des organes sexuels dans la pornographie, font partie des scénarios nécessaires à la perversion. » P.106
Lacan appelait ça la « pulsion scopique » et il y a consacré une large place dans son œuvre. Aucune référence n’y est faite. Pas plus que la référence, incontournable, au travail de Gilles Deleuze.
Un des derniers chapitres s’intitule « Le plaisir et le mal, un point de vue psychanalytique » c’est le quart d’heure d’éthique qui précède la morale et la description de la norme en matière de sexualité et d’affectivité.« L’un des aspects d’un bon travail analytique consiste à se placer constamment à côté du patient et à examiner avec lui ses fantasmes pervers pour l’aider, séance après séance, à distinguer les parties saines à développer d’avec les parties sexualisées à contenir et à transformer. » P.180
On va donc faire le tri, et sélectionner avec le « patient » ce qu’il doit conserver de son psychisme, la partie « saine » et ce qu’il doit en rejeter, la partie malsaine. On va séparer le bon grain de l’ivraie, le bien du mal. Comme si l’inconscient était un plat de lentilles à trier ou une chambre à air qui fuit et sur laquelle il est possible de poser une rustine ! Ce n’est guère surprenant de cette psychanalyse moralisatrice et normalisatrice dont les codes sont parfois piochés dans les magazines féminins :
« Il ne sera pas possible de parvenir ensemble à l’orgasme, qui peut être parfois atteint solitairement ou après le rapport proprement dit. » P.133
L’orgasme, c’est une évidence, doit être toujours simultané, tous les sexologues vous le diront ! En fait tout dépend de la façon dont la sexualité fut gérée dans la petite enfance, car :« Un enfant dont le processus de croissance est normal ne court pas après une sexualité prématurée, ne se masturbe pas, n’a pas de fantasmes excités. » P.179
Et si c’est le cas, Docteur, on lui attache les mains ou on lui dit que ça rend sourd ? Bref, les enfants normaux sont de petits anges. Le Monsieur qui écrit est psychanalyste, ça fait frémir.
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Les formes du masochisme
Ce n’est pas une nouveauté ni un véritable ouvrage que nous offrent les éditions Payot avec Les formes du masochisme de Richard Von Krafft-Ebing. Il s’agit d’une réédition de quelques cas de masochisme qui figurent dans la fameuse psychopathia sexualis du même Richard Von Krafft-Ebing.
Les expressions latines ont disparu et sont écrites en italique, plus besoin de se référer aux pages roses du Larousse.
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Leçons psychanalytiques sur le masochisme
Un petit ouvrage d’une centaine de pages que ces Leçons psychanalytiques sur le masochisme, de Paul-Laurent Assoun, éd. Anthropos, dans lequel vous n’apprendrez rien de neuf sur le sujet. C’est la récitation du catéchisme freudien habituel aux horizons obtus et fermés : l’Œdipe, la castration, l’angoisse...
Le masochisme est toujours envisagé dans une optique hétérosexuelle, la femme bourreau incarne le Phallus manquant etc.
« Il est essentiel dans la mise en scène, que le bourreau (femme) ait l’air méchant et agisse en conformité à cette disposition. » (p.27)
Le bourreau est donc toujours une femme, quid quand le dominé est un homme et le dominant un autre homme ou la dominée une femme et le dominant un homme ? Le masochiste, selon l’auteur, qui cite Freud abondamment, ne fait que reproduire le coït parental qu’il perçoit comme un acte violent (p.27). Comme il est stipulé dans la doxa freudienne que « rien ne peut arriver aux parties génitales ou aux yeux » (p.53) l'auteur le reprend à son compte, mais rectifie le tir un peu plus loin (p.87).
Vers la fin de l’ouvrage P-L Assoun passe en revue « Les destins postfreudiens » les principaux analystes qui ont écrit sur le sujet (Nacht, Reich, Bergler, Reik) en soulignant, et le fait est plutôt rare chez les psychanalystes, qu’il y a un manque capital à vouloir élaborer une théorie du masochisme en occultant la pulsion de mort. Juste un détail. Mais ce rappel a un goût de déjà vu. L'ouvrage très important de Gilles Deleuze "Présentation de Sacher Masoch" n'est pas cité. Un autre détail. L’ouvrage ne vaudrait peut-être pas la peine d’être signalé, si une des phrases finales ne contenait un peu de bon sens :
« Le culot monstre du masochiste est de se déguiser en objet a, voire de se faire passer pour lui. [...] Il s’incarne comme objet, au moyen de l’érection, « sur sa petite scène », de cette Loi qu’est le désir de l’Autre."
Mais les masochistes ne se déguisent pas tous en objet a de l'Autre ou en leur propre objet a, Certains masochistes, pas tous, arrivent à jouir de leur objet a. Ce n'est pas tout à fait pareil...
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Le masochisme
Du sadomasochisme au sacréC’est à une analyse sociologique du masochisme que s’essaie Damien Lagauzère dans Le Masochisme, éd. L’Harmattan. L’exercice n’est pas tout à fait réussi.
D. Lagauzère commence par changer les définitions habituelles : « Certaines pratiques relèvent donc tantôt du hard, tantôt du sadomasochisme... » (Page 13). Ce qui est appelé hard, d’une façon généralement admise dans le milieu, est un sadomasochisme dans lequel les pratiques sont plus dures en regard du soft.
L’approche psychologique est réduite à la portion congrue, mais ce n’est pas le but de l’ouvrage. La culpabilité du masochiste y est abordée de manière sociologique. Selon l’auteur, le masochiste se sentirait surtout coupable de ses pratiques « hors normes ». Même s’il reste possible que certains pratiquants se sentent coupables de leurs pratiques, la culpabilité, comme le pensent beaucoup d'auteurs peut-être une composante de certaines formes de masochismes et la pratique masochiste une évacuation de cette culpabilité.
Curieuse façon aussi de vouloir distinguer un masochisme normal d’un masochisme pathologique : « La réponse à cette question est simple. Hormis les cas relevant de la pathologie... » (Page 70) « Mais peut-être après tout ce rapport à l’amour qui marque là encore la différence entre un sadomasochisme soft et la pathologie ? » (P.110)
Cette distinction n’est pas sans raison, l’auteur nous présente, tout au long de son ouvrage, un masochisme fréquentable, un masochisme idéal et un autre, à rejeter impérativement. Ce « bon masochisme » fréquentable se différencie du mauvais par le respect des consignes de sécurité et vise à « ...préserver l’intégrité physique et morale de chacun... » (Page 176)
« Le SM suppose des pratiques à risque. Aussi les modalités de sa mise en scène répondent à cette nécessité de préserver l’intégrité non seulement physique mais également, et peut-être même avant tout, morale des uns et des autres. » (Page 180)
Lorsqu’un masochiste réclame « champagne et caviar » rien n’assure l’intégrité physique par la non transmission de microbes à moins de désinfecter l'urine et la merde auparavant ! Pas plus que des pratiques qui rentrent dans le cadre SM comme le marquage au fer rouge ou le piercing en passant par la scarification n’assurent l’intégrité physique des pratiquants. Quand à l’intégrité morale, l’exhibition peut parfois s’avérer très préjudiciable et sans possibilité de réparation. Le danger est inhérent à certaines pratiques et tous les masochistes n’utilisent pas de mot de sauvegarde. L’auteur les classe-t-il alors dans la dimension pathologique ?
Pour étayer sa thèse d’un masochisme idéal D. Lagauzère, rend compte du témoignage de deux masochistes du milieu gay, ce qui limite tout de même une vue d’ensemble du phénomène masochiste. L’auteur fait également référence aux intellectuels incontournables : Deleuze, Bourdieu, Foucault et n’hésite pas à leur faire subir quelques distorsions :
« L’exercice du pouvoir n’est donc que temporaire, on n’en est que le dépositaire, voire l’instrument. Ceci explique en partie pourquoi son exercice n’est possible qu’avec le consentement de ceux sur qui il s’exerce. » (Page 64)
Cette analyse « foucaldienne » du pouvoir, non seulement oublie le pouvoir absolu, et un certain Damien, lors de son supplice en sut quelque chose, mais à la page 72 le pouvoir, toujours dans une optique foucaldienne, est défini tout à fait autrement :
« La structure du pouvoir tel qu’il se manifeste, qu’il s’exerce dans la vie courante est rigide, et, de ce fait, la mobilité, les possibilités de changer de position sont réduites et soumises à des considérations extérieures à la volonté de l’individu. » (Page 72)
En ce qui concerne le masochisme féminin, l’auteur se calque sur les anciens, comme si aborder le sujet du masochisme féminin avait une odeur de souffre :
« Certes, les femmes peuvent également avoir des fantasmes masochistes, mais ils ne sont pas masochistes parce qu’ils sont féminins » (Page 95) Nacht ne dit pas autre chose : « Il suffit de remarquer que si le masochisme de la femme est naturel, ce n’est plus du masochisme. »
Pour l’origine même du masochisme, Lagauzère fait également référence aux classiques du genre : « D’un point de vue psychologique ou psychanalytique, le désir d’être puni ou humilié révèle le besoin d’adopter une attitude féminine passive envers le père. Être battu signifiant ainsi être aimé, l’amour prend la forme d’une punition. » Freud ne dit pas autre chose dans « Un enfant est battu ».
Sur le terrain même de l’auteur, la sociologie, on peut ne pas être d’accord avec lui quand on lit sous sa plume des phrases telles que : « C’est pourquoi la société a placé de solides barrières réprimant la violence au point parfois d’en oublier l’existence » (Page 209)
Il serait peut-être plus juste d’écrire que la société a canalisé la violence dans des corps constitués tel que l’armée ou la police, les bizutages et autres « institutions » où la violence se donne libre cours, plutôt que d’écrire : au point parfois d’en oublier l’existence.
Enfin la référence à Deleuze étant incontournable, D. Lagauzère nous invite à faire un petit tour dans le contrat masochiste, en se démarquant de Gilles Deleuze, mais sans le renier :
« Le principe du contrat qu’il soit tacite, oral ou écrit, existe finalement dans tous les cas de relations, sexuelles ou non, sadomasochistes ou non. »
Autant écrire que le fait de dire bonjour à son voisin découle du contrat masochiste !
Il y a tout de même quelques bonnes choses dans cet ouvrage, des vérités récentes sous un vernis ancien de références « sûres ». On a parfois l’impression de feuilleter un vieil album de famille dont les clichés militants pour un masochisme parfait ont été retouchés par un Photoshop de l’investigation intellectuelle. La bibliographie est riche et conséquente. Incontournable pour les passionnés du sujet.
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Revue Surgence N° 1
Masochisme maternel et transitivisme
La revue Surgence est la revue de la Libre Association Freudienne, son premier numéro parle du masochisme, il sortit en 2008 et m’avait échappé.
Le premier article de la revue, écrit par Christiane Grégorius est un rapide tour d’horizon de l’évolution de la pensée de Freud sur le masochisme. Bien évidemment l’auteur ne peut que noter les contradictions sur le sujet et pose des questions fondamentales en constatant qu’il y a dans la psychanalyse freudienne un gros manque concernant le masochisme.
Le second article est écrit par Gabriel Balbo et tient le rôle titre. Pour G. Balbo la mère se place au lieu du Grand Autre. Pourquoi pas ? Sur le « Grand Autre » Lacan a écrit tout et son contraire. (cf. http://causepsy.fr/Lelivreseize.htm)
Comme l’Autre avec un grand A est le lieu du langage et que généralement les enfants parlent une langue maternelle, apprise la plupart du temps, par le signifiant barré du lieu de l’Autre, (dixit Lacan) la mère, a tout de même un petit quelque chose à voir avec l’Autre ! Nous ne tiendrons pas rigueur à l’auteur de placer la mère au lieu du Grand Autre (p.23.)
La difficile relation mère-enfant se pare d’un nouveau vocabulaire et d’addition de concepts : « le coup de force symbolique » allié à la forclusion, à la demande et à la réponse de la demande, bref une inflation du vocabulaire d’analyste qui n’éclaircit pas le choses. Les avancées développées sont quelques peu décevantes car on finit par conclure que cette fameuse notion de transitivisme existait depuis longtemps en psychanalyse, on l’appelait tout simplement l’introjection ou cela y ressemble fort...
Arrivé à la page 39, l’auteur nous fait savoir que :
« ...enfin, le masochisme maternel n’est pas pervers : il n’est pas du tout une recherche d’ineffables satisfactions sexuelles... »
L’article de Denise Lachaud « Un père manque... » est assez riche et mérite une lecture attentive.